Alphonse Mustel, dernier maillon de la célébrissime dynastie Mustel qui donna à l’harmonium ses plus belles lettres de noblesse, consacra à l’orgue-harmonium au début du 20ème siècle un article très complet publié dans l’Encyclopédie de la musique et Dictionnaire du Conservatoire (Delagrave). De l’harmonium, il donnait alors la définition suivante:
"L'orgue-harmonium est un instrument à clavier et à sons soutenus alimenté par le vent, possédant une ou plusieurs séries de gammes diversement timbrées et diapasonnées (jeux) que l'organiste peut utiliser à son choix, soit ensemble, soit séparément, au moyen de mécanismes dénommés registres. Cet instrument dispose en outre, d'un ingénieux système de soufflerie qui lui permet, d'une manière extrêmement sensible, de faire varier l'intensité sonore d'où la nuance, l'accent, l'expression, non seulement sur l'instrument tout entier considéré dans son ensemble, mais aussi par section (demi-clavier à droite et demi-clavier à gauche).
L'orgue-harmonium a pour organe essentiel l'anche libre, que la forme de vibration dite isochrone permet de soumettre à des amplitudes très extrêmes, d'où résulte un son d'autant plus nuancé que l'anche aura été bien traitée.
De la faculté qu'il a de modifier à volonté l'intensité des sons, lui est venu aussi le nom d'orgue expressif sous lequel il est très souvent désigné. "
Qu’est ce qu’un harmonium ?
Le meuble :
Il s’agit souvent d’une "simple caisse" rectangulaire. Le bois de placage utilisé le plus couramment est le chêne qui est alors ciré ou vernis. Cependant, pour certains instruments, dont notamment ceux de salon, on préfère les bois précieux comme le palissandre ou l’acajou qui seront ici vernis au tampon. L’ornementation du meuble peut être sommaire voire inexistante ou bien les buffets peuvent s’orner de colonnes torsadées simples ou doubles, de moulures plus ou moins travaillées avec ou sans guillochures, de poignées de bronzes fixes ou articulées et de placages et d’inscrustations des plus diverses et souvent magnifiques.
L’élément essentiel de l’harmonium est
l’anche libre
L’harmonium est composé des éléments suivants
Le meuble, la soufflerie, la table des soupapes de jeu, le sommier des anches, la mécanique des notes, le clavier et la table des registres
L’anche libre est une languette de laiton battu, fixée en une de ses extrémités par rivetage sur un cadre métallique, laissant entre elle et ce cadre, un espace infiniment petit qui lui permet de vibrer sous un courant d’air plus ou moins constant, sans toucher les parois de l’ouverture pratiquée dans ce cadre. C’est elle, qui en vibrant, produit le son émis par l’harmonium. A chaque note du clavier correspond une anche. Cette série d’anches est appelée jeu. L’harmonium le plus simple possède un jeu mais dans beaucoup d’entre eux, on retrouve plusieurs jeux et donc plusieurs lignes d’anches. Certains instruments importants peuvent compter jusqu’à plus de 1000 anches.
Généralement, un clavier d’harmonium est séparé en deux. Il est dit coupé en "basses et dessus". La coupure, dans l’harmonium français se fait au FA3. Ainsi, dans un harmonium ayant plusieurs jeux, la main droite et la main gauche peuvent faire entendre des lignes d’anches de nature différente, permettant ainsi une grande différenciation entre la partie jouée par la main droite et la partie jouée par la main gauche.
Concernant les sons émis par l’anche, deux éléments importants sont à prendre en compte. Il s’agit de la longueur et de la largeur de la languette de laiton. De façon simplifiée, on peut dire que plus la languette de laiton est longue, plus le son est grave et plus la languette de laiton est large plus le son est rond. Ainsi, le nombreux de jeux peut se multiplier à l’infini. On ira du jeu très grave au jeu suraigu et du jeu très rond au jeu à la sonorité plus tranchante.
L’harmonium dit "classique ou traditionnel" possède 4 jeux 1/2. On aura 4 demi-jeux dans les basses et 4 demi-jeux dans les dessus. Il s’ajoutera dans les dessus un autre demi-jeu, le plus souvent légèrement désaccordé par rapport aux autres, que l’on nommera habituellement Voix céleste. Ce type de jeu désaccordé est nommé jeu ondulant ou jeu à battements. Il est typique de l’harmonium et représente l’une de ses spécificités au point que certains dont Michel Dieterlen, auteur d’une thèse colossale et remarquable sur l’harmonium, n’hésitent pas à appeler l’harmonium "La voix céleste du second empire".
La soufflerie:
Il s’agit d’une partie essentielle de l’harmonium. Sans elle, rien n’est possible ! Un harmonium de qualité est avant tout un instrument disposant d’une bonne soufflerie. Elle se situe dans la partie inférieure de l’instrument. Elle est composée de deux grosses pompes (soufflets) que l’on actionne par l’intermédiaire des pédales. Le vent est alors pulsé dans un grand réservoir (nommé aussi grande réserve) qui se gonfle et met l’air sous pression grâce à des ressorts à boudins. Le but de la soufflerie est donc de produire de l’air comprimé en quantité suffisante. Cet air sera "soufflé" sur les anches pour les mettre en vibration. L’harmonium est ainsi un instrument où le vent est pulsé ou soufflé. On dit qu’il s’agit d’un système foulant pour le différencier de son homologue américain, appelé aussi "Reed Organ", et chez lequel, le vent est aspiré, le faisant de ce fait nommer aussi "harmonium aspirant".
Une particularité de l’harmonium est sa possibilité d’être expressif. C’est à dire que pour une note donnée, on peut à l’aide des pédales, envoyer sur l’anche correspondante, une quantité et une pression d’air variable en fonction de "l’énergie" que l’on déploie à souffler ou à "pédaler". Plus la quantité et la pression d’air seront importantes, plus le son produit par l’anche sera fort. Cependant, pour que l’instrument soit en permanence expressif et qu’il puisse transmettre à tout moment "la volonté expressive" de l’harmoniumiste, il est nécessaire que l’air ne rentre pas dans la grande réserve et qu’il soit uniquement dépendant de l’action des pédales. Pour ce faire, il faut utiliser le mécanisme nommé "registre d’expression" qui, lorsqu’il rentre en action, condamne la grande réserve et empêche alors celle-ci de se remplir. L’air arrive donc directement depuis les soufflets actionnés par les pédales sur les anches. Ainsi, la plus infime variation d’action sur les pédales est immédiatement transmise sur les anches. Jouer de l’harmonium avec l’expression nécessite une grande habitude et une technique éprouvée. Il s’agit là de la façon la plus évoluée de faire entendre l’instrument mais c’est aussi la plus difficile. C’est à son jeu de l’expression que l’on reconnait le vrai harmoniumiste.
La table des registres ou boîte des registres:
Au-dessus du clavier, on trouve les tirants de registres. Ce sont des tiges de bois dont l'extrémité est garnie d'une pastille bombée, habituellement en porcelaine, sur laquelle on peut lire le nom du jeu associé le plus souvent à un numéro. Ces tirants servent à ouvrir et à fermer les jeux . Tous ces registres ne commandent pas obligatoirement l'ouverture d'une série d'anches. Ils peuvent commander aussi des mécanismes comme les Forte ou bien des combinaisons de jeux. Les Forte sont généralement des volets qui s'ouvrent sous l'action du registre correspondant laissant ainsi sortir de façon plus directe et plus intense le son des anches. On nomme combinaisons, le mélange de plusieurs jeux.
Le sommier des anches et les jeux:
Le sommier des anches est la pièce la plus complexe et la plus lourde de l’instrument. Il s’agit d’un grand casier de bois, divisé lui-même en plusieurs cases dans lesquelles sont fixées les anches. Chaque case a une alimentation en vent qui lui est propre. En effet, l'entrée de l'air dans une case est conditionnée par l'ouverture d'une soupape dite "soupape de jeu". L'ouverture des soupapes de jeu est commandée par les "tirettes" situées au-dessus du clavier. On appelle ces tirettes: les registres.
Un harmonium peut avoir une ou plusieurs lignes d’anches. Chaque ligne d’anches constitue un jeu. Chaque ligne d’anche est habituellement séparée en basses et dessus. Chaque demi-ligne d’anche est appelée demi-jeu et ainsi, il y a dans un sommier autant de cases que de demi-jeux. Certaines lignes d’anches peuvent n’avoir que la demi-ligne des basses ou des dessus. C’est le cas, par exemple, du jeu de "Voix céleste" qui n’est composé que d’une demi-ligne d’anche siégeant dans les dessus.
Les jeux de l’harmonium n’ont pas tous la même intensité ni le même timbre. On les désigne par la longueur du tuyau d’orgue donnant le Do fondamental. Les jeux sont ainsi classés en jeux de 8 pieds (les plus nombreux), de 4 pieds, de 16 pieds, de 2 pieds et de 32 pieds. Les jeux de 8 pieds font entendre les sons au diapason normal, ceux de 4 pieds les font entendre à l’octave supérieure, ceux de 2 pieds à la super octave supérieure, ceux de 16 pieds à l’octave inférieure et ceux de 32 pieds à la contre octave inférieure. Ainsi, la touche correspondant au La du diapason donnera cinq hauteurs différentes suivant le jeu ouvert. D’après cela, on pourra faire entendre les notes de neuf octaves sur un clavier qui n’en a que cinq.
Une même touche pourra en fonction du nombre de jeux "tirés" émettre un ou plusieurs sons différents. Par exemple, lorsqu'il n'y qu'un registre tiré, chaque touche ne fait parler qu'une seule anche. Lorsqu'il y a plusieurs jeux ouverts, chaque touche enfoncée fera parler autant d'anches que de jeux ouverts. Ainsi dans certains instruments de grande importance, il n'est pas rare d'avoir plus de 10 jeux. En conséquence, en jouant avec deux mains, on pourra facilement enfoncer 10 touches qui à leur tour pourront faire parler plus de 100 anches. Ceci aboutira à un nombre considérable de sons et de combinaisons différentes qui feront de l'harmonium un véritable orchestre.
La table des soupapes de registre :
Entre le sommier des anches et la grande réserve, dés qu'il y a plus d'une ligne d'anches, s'interpose un couvercle de bois contreplaqué obstruant totalement cette grande réserve. L'air ne peut passer à l'étage supérieur, à savoir le sommier des anches, qu'en traversant cette plaque au travers d'orifices dont l'ouverture est commandée par des soupapes "dites soupapes de registre". Ces soupapes sont commandées par les tirettes de bois appelées registres. Lorsque l'harmoniumiste tire un registre, il provoque l'ouverture de cette soupape et permet à l'air d'alimenter la série d'anches correspondante au registre tiré.
La mécanique des notes et le clavier :
Les harmoniums possèdent en général un clavier de 5 octaves (61 notes), plus rarement deux claviers. Il est souvent transpositeur, c'est-à-dire que deux boutons placés devant et au-dessous du clavier servent à faire glisser celui-ci à droite ou à gauche selon que l'on hausse ou baisse le ton du morceau.
Une des principales particularités de l'harmonium est que ce clavier est divisé en deux. On dit qu'il est coupé en basses et dessus. Le demi clavier des basses va du Do grave au Mi du médium (Mi3) et la partie des dessus va du Fa du médium (Fa3) au dernier Do aigu.
Lorque l'on appuie sur une touche, ce mouvement est tranmis à une soupape garnie de peau dit "soupape d'anche " ou "soupape de note". Celle-ci se soulève pour laisser passer l'air en provenance de la soufflerie. L'anche est donc à ce moment traversée par un courant d'air sous pression, elle entre alors en vibration et émet un son. L'ensemble de ces soupapes et des différentes articulations qui les accompagnent s'appelle la mécanique des notes.
Une anche libre vue sous différents angles
L'harmonium, comme l'a voulu et breveté Alexandre Debain, est en réalité un "savant empilement d'éléments " à l'intérieur d'un meuble-caisse. A l'intérieur de ce meuble, on retrouve, empilés les uns sur les autres et de bas en haut, la soufflerie, la tables des soupapes de jeu, le sommier, la mécanique des notes, le clavier et la table des registres.
Exemples de meubles à l'ornementation recherchée
Vue arrière d'un harmonium
En bas de l'harmonium, on distingue la soufflerie composée de ces deux pompes et de la grande réserve qui est ici maintenue repliée par de gros ressorts.
Au-dessus, nous pouvons voir l'arrière du sommier des anches
Le sommier des anches avec ses cases et ses différentes lignes d'anches
La tables des soupapes de jeu, intercalée entre, au-dessous, la soufflerie et au-dessus, le sommier des anches, ici ouvert.
Sur la photo du haut, nous voyons l'ensemble de la mécanique des notes.
La photo du bas est celle d'une soupape avec sa garniture en peau de mouton.
La boîte des registres placée au-dessus du clavier